SOL GELÉ ET VEINES BRULANTES
Pergélisol, c’est quoi ?
La Iakoutie est la région la plus froide de l’hémisphère boréal et la plus froide du monde si l’altitude est ramenée au niveau de la mer. L’hiver dure plus de la moitié de l’année, avec des températures que l’on n’ose imaginer. Le pergélisol (ou permafrost) qui couvre un cinquième de la surface terrestre, désigne un sol gelé en permanence, sur une profondeur de plusieurs centaines de mètres. La zone active, ou mollisol est la fine croûte qui dégèle pendant quelques mois en été, à peine 3 mois en Iakoutie.
La capitale, Iakoutsk, est bâtie sur une zone de pergélisol. En raison de la fragilité du sol créée par le dégel de la glace, tous les bâtiments de la ville sont construits sur de solides poteaux de bétons, scellés sur plusieurs mètres de profondeur.
À peine avons-nous pris la route que j’aperçois des flammes sur les accotements de la route. Aucun matériau ne semble pourtant brûler. Ici, ils sont obligés de chauffer le sol avant de pouvoir faire des travaux de chaussées ou de canalisations !
Centrale de charbon
Notre première journée de route nous conduit à Khandyga, petite bourgade à 8 heures de route de la capitale. Nous sommes tous surpris, pour ne pas dire déconcertés, par la laideur d’une ville noire et désertée, contrastant avec un paysage enneigé. Cette ambiance sombre s’explique rapidement par le nombre de centrales de chauffage au charbon, dont les cheminées crachent cycliquement des fumées anthracites.
L’eau, chauffée dans ces centrales, est acheminée vers les différentes habitations par le biais des canalisations hors-sol, emmitouflées dans un manchon de laine de verre ou entourées de planches en bois. Aux croisements de rues, les conduits d’eau sont surélevés et évoquent, avec un peu d’imagination, les portiques des temples shintoïstes au Japon.
Les installations de chauffages sont ainsi indissociables du paysage urbain. Outre les nombreux radiateurs abandonnés dans les rues (ils servent parfois de tapis de sol pour les pas-de-porte), impossible de ne pas apercevoir les boyaux de la ville, comme autant de veines d’un corps humain.
Oïmiakon, ou le Pôle de froid, -71.2 degrés.
Après s’être égarés en pleine nuit, nous arrivons, au terme de 17 heures de route sur piste glacée, au pôle de froid. Le givre commence à attaquer l’intérieur des vitres du bus. Arrivée à Oïmiakon, un petit village de 500 habitants.
La température la plus basse fût estimée à -71.2 degrés en 1926 par un scientifique russe. Ce record a presque été battu le 18 février de cette année avec -71 degrés. Je me pose de nombreuses questions sur les moyens de vie de ces habitants. Comment font-ils lorsque les températures sont les plus basses. Les tâches quotidiennes sont réduites au minimum. La scène de vie la plus insolite que j'ai vu, sont les vaches de race iakoute, à qui l’on passe un « soutien-gorge » pour aller boire au fleuve Indigirka une fois par jour (les vaches russes restent à l’intérieur). Cela évite que le lait ne gèle dans les mamelles. En revanche, en été, cette région connait des températures de plus de 35 degrés, avec à la clé des nuages de moustiques !
Sibérie, mars 2013