
Clé de douze
--Encore en panne ?! Tu devrais changer de moto, un jour tu resteras en rade au milieu du lac et le lendemain on te retrouvera tout gelé, tu seras tout bleu, tout froid et tout raide. Quand on te tapotera l’épaule pour te réveiller, tu sonneras mat comme un vulgaire caillou. Tu seras transformé en statue de Bouddha : le comble pour un intello comme toi qui méprise les esprits !
Sinon, mon cousin Gantulga, celui qui habite près du petit bois, il vend la sienne de moto, la bleue. Il veut s’acheter un gros 4x4. Officiellement c’est pour avoir le chauffage, mais je pense surtout que c’est pour impressionner les voisins et bien leur montrer que lui, il est plein aux as. Faut dire qu’il a touché le gros lot avec le troupeau du beau-père… Mais bon, si ça peut t’aider, je lui en parle. Les copains, c’est fait pour ça.
-- Une nouvelle moto ! Tu rigoles, j’ai pas les moyens, moi. Tu n’aurais pas plutôt une clé de douze dans tes outils ? Le joint du filtre à huile était fichu alors je l’ai remplacé par un bout de tissus, mais ça pisse, faut que je serre plus fort et j’ai qu’une pince multiprise.
-- Désolé, la douze c’était pour les vieux modèles, maintenant j’ai plus que du dix.
-- Dommage, je voulais aller voir Altansetseg, mais si je laisse une flaque d’huile devant la yourte de ses parents, ça va pas le faire…. Ras le bol de ces trucs mécaniques qui tombent toujours en panne, je vais repasser au cheval et au traineau, moi. Tu te souviens, l’an dernier la photographe qui est venue ici avec tout un groupe, la blonde avec le joli sourire ? Eh bien elle a fait plein de photos du traineau de mon oncle, Otgonbayr. Elle trouvait ça très beau, elle disait que ça lui rappelait les histoires de tapis volant qu’elle lisait quand elle était petite.
Voilà, c’est ça que je vais faire, je vais me trouver un cheval. Plus d’essence à payer, plus de pannes, plus de réparations, je vais revenir au bon vieux temps des anciens, je pourrai profiter du paysage, aller à mon rythme. Et j’enlèverai ma belle Altansetseg, on s’enfuira tous les deux sur mon tapis volant…
Juliette Derimay
Faites parler les images #2
Voici le second atelier d'écriture animé par Juliette avec une nouvelle image.
Si vous souhaitez relire le principe; rendez-vous ici.
"Une succession de mots, une phrase, un ou plusieurs paragraphes, 2000 signes maximum (soit environ 400 mots), voici l’espace que je vous offre pour vous exprimer ici.
Ma photographie ne comprendra ni lieu ni date, afin de ne pas influencer votre histoire, votre ressenti vis-à-vis de la scène, des couleurs, ou de l’ambiance qu’elle dégage.
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A très vite pour découvrir vos mots.
Céline