AMAZONIE – L’appel de la forêt

 

Valais, Suisse, 5 novembre 2020

Tel un moulin à eau après une pluie torrentielle, mon mental tourne à plein régime. Mes pensées battent la cadence si rapidement qu’il me sera difficile de toutes les coucher sur cette feuille de papier.

Depuis plusieurs mois déjà, la forêt amazonienne m’appelle. Mais ce soir, c’est un appel d’un tout autre type que j’entends, oscillant entre rêve et réalité. Cette invitation viscérale est d’une profondeur enivrante.

Des visions me projettent soudain cette nature brute, la jungle luxuriante m’éblouit.

Je l’entends chanter, crier même. Mon rythme cardiaque s’accélère, mon souffle s’alourdit, et ma tête, folle, la cherche du regard. Mon nez pointe vers le haut dans l’espoir de la sentir. Mes mains cherchent au hasard quelque chose où s’agripper pour ne pas sombrer dans le néant.

Allongée sur mon canapé, tout en écoutant la musique d’une tribu brésilienne, mon être tout entier vibre maintenant intensément. Un désir brûlant de retrouver ma nature originelle me traverse de la tête aux pieds.

Je ne peux plus me contenter de voir l’Amazonie à travers des images.

Mon âme, impatiente, enflammée, cherche fiévreusement la voie la plus courte et la plus rapide pour aller la retrouver.

 

Déconnexion – Reconnexion

Le retour sur l’asphalte est un choc. Des dizaines d’hommes vêtus de vêtements bleus et de casques jaunes creusent la terre.

J’aperçois des boyaux métalliques de plusieurs dizaines de mètres allongés lourdement dans le sol. Ils allaient bientôt recevoir et faire couler de l’or noir, le pétrole, pour nous, les hommes.

La terre saigne, et mon cœur avec. Je pleure la forêt que je quitte, je pleure la nature, je pleure l’humanité tout entière. Intellectualiser des faits est une chose, les vivre et les voir, pénètre la chair.

Céline

Texte de la vidéo :
L’homme a toujours eu un lien profond avec la forêt. Une incursion en Amazonie ravivera en moi des souvenirs très anciens.
Elle est là, Mère, notre Mère à tous, la Terre notre Mère.
Celle que j’attendais avec impatience et qui m’a appelé il y a quelques mois m’enveloppe dorénavant de sa cape végétale, elle m’hydrate de sa moiteur et me chuchote la mélodie de la vie. Mes yeux sont éclaboussés de chlorophylle et humides d’une émotion espérée et attendue.
Cette beauté originelle m’émeut profondément et le silence lui rend bien mieux hommage que les mots, dont aucun ne serait assez fort pour décrire ces retrouvailles.
Je ressens désormais les pulsations de son cœur, de son souffle. Ses vibrations viennent rebondir par vague sur mon corps en alerte. La sève de cette matrice végétale coule dans mes veines et nourrit chacune de mes cellules. Elle m’invite à me plonger dans ses entrailles pour y écouter l’harmonie des feuillages, la communion des oiseaux, le craquètement des insectes.
Les êtres vivants au mimétisme parfait pour certains m’inspirent vigilance et respect pour cette jungle épaisse.
Je sens les mille yeux de cette forêt qui m’observent mystérieusement.
Alors que j’avance d’un pas feutré, lent et solitaire, mon âme s’abandonne pour se laisser nourrir de ces milliers de plantes, de lianes, de feuilles protectrices.
Mon regard, gourmand et indécis, jongle entre macrocosme et microcosme. Le simple fait de s’arrêter pour observer les fourmis coupe-feuilles est une approche méditative en soi.
Mama Aurora, un petit bout de femme de la communauté Siona, viendra un jour réouvrir une voie. Munie de sa machette, elle taille les lianes d’un geste vif et expérimenté. Son aisance indique que tous ses sens sont en éveil. L’amour et le respect pour cette forêt l’habitent depuis plus de 70 ans déjà.
En parfaite symbiose avec la nature, je la sens protectrice et cela m’inspire beaucoup d’humilité.
Elle est heureuse de partager son savoir botanique et n’hésite pas à me faire mordiller de petits morceaux de plantes, en me décrivant leurs vertus.
Le concert de la jungle m’enveloppe d’une intensité étourdissante. Dès lors que le soleil se couche, le chant du jour laisse la place au chant de la nuit. Et ce changement d’orchestre s’organise en quelques secondes seulement.
La Laguna Grande de la réserve est un havre de paix.
Quitter la Selva, la jungle, et couper le cordon végétal est un déchirement. En son cœur, sous son épaisse canopée, je me sentais protégée, je me sentais Enfant de la forêt.
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Jennifer Black

Céline, as always your words and images touch me deeply. To travel the earth via the window of your inner world and to behold what you capture through your photographic eye is precious and sacred. You have a deep connection to the planet and her people, what a gift! Thank you for sharing your work and your experiences!

Charles

Magnifique.

Stéphanie Charbaut

Ton texte est bouleversant,m’émeut. Excellent montage et les photos sont sensationnelles et soignées comme à ton habitude. Un grand merci et bravo !

Celine Jentzsch

Coucou Stéphanie,
Merci beaucoup pour ton commentaire et ton appréciation.
Pour le montage, je débute tout juste, et j’ai encore un long chemin à faire pour arriver à combler mon perfectionnisme, mais je l’accepte et je l’assume totalement ☺️. Mais merci donc pour ce premier retour encourageant.
J’espère que tout va bien chez toi, en Alsace. De grosses bises.
Céline

Courillaud Emmanuel

La poésie des images est illustrée par un récit magnifique, extrêmement bien écrit qui n’a rien à envier aux discours déjà envoûtant de David Attenborough.

Pontailler Catherine

L’intimité au milieu de cette immensité verdoyante, la délicatesse et la force des images pour illustrer cette si belle dame nature, sa puissance et la force de ceux qui la connaissent si bien et savent vivre en symbiose avec elle.

Brigitte R

Et j’ai oublié les deux dernières photos en NB.
L’avant-dernière qui allie la fragilité de la jeune pousse et la solidité des deux bras-racines de l’arbre, bras-racines, ou racines-bras qui l’encadrent et la protègent.
La dernière parce qu’elle dit que l’humain est bien petit au regard de ces grands arbres qui nous sont indispensables et accueillants, parce que tu es rayonnante.

SPAETH

Celine, Le reportage est magnifique et nous transporte avec toi dans cet univers si particulier, que de beautés et d’énergies positives, tu m’as juste donnée envie d’y aller. Merci pour ce partage

Celine

Coucou ma belle … Merci beaucoup pour ta visite et ton commentaire élogieux 😘😘😘. Heureuse d’avoir pu partager cela avec toi, avec vous.
De grosses bises 😽

Sylvie

Superbes photos ! Les forêts primaires sont un enchantement il faut les préserver
Très belle série

Celine

Merci beaucoup Sylvie. La notion de préservation est dorénavant encore plus forte chez moi et les questionnements plus nombreux.
Belle semaine …

Martine GRUNENWALD

Très beau témoignage sur la forêt amazonienne….oui effectivement, elle subjugue….on se sent tout petit, au milieu de ces arbres millénaires. J’ai eu la chance, il y a très longtemps, de marcher, au milieu de cette végétation luxuriante. Merci Céline pour ces belles images.

Celine

Un grand merci Martine. Je te sais très proche de la nature et nul doute que ces images aient à nouveau ouvert tes sens, et ravivé des souvenirs. Belle semaine à toi.

pascal chambon

Bien belles photos, certaines même à tomber. Et d’autant plus intéressantes qu’elles me paraissent davantage à échelle humaine que sur d’autres voyages. Merci pour ce partage 🙂

Celine

Merci Pascal pour ta visite ☺️. Je serais bien curieuse de savoir lesquelles te font tomber 😉.
J’aurais aimé partager plus de moments dans une communauté, et j’ai quelques jolies visions photographiques déjà, mais le Covid ne le permettait pas … à suivre donc pour une prochaine fois.

Brigitte R

Merci Céline, pour ce bonheur d’être que tu nous partages. Etre dans la forêt, être de la forêt. Elément, petite partie, de cette sylve qui nous est indispensable, nourricière. Je ne connais pas l’Amazonie, mais les temps dans les forêts autour de chez moi me ressourcent, m’apaisent.
Une question, si je peux. Est-ce que ce sont des nids qui pendent de cet arbre très élégant sur la première photo en NB ? Si oui, de quel oiseau, sinon qu’est-ce que c’est ?
Et un très gros coup de cœur pour la cinquième photo (couleur), ces racines qui m’enveloppent, comme des bras protecteurs et sécurisants, tandis que mon regard s’élève jusqu’à la canopée.

Celine

Merci beaucoup Brigitte d ‘avoir pris le temps de parcourir cette forêt avec moi! L’émotion était si intense que le partage me tenait à cœur.
La photo 5 est très puissante, la taille des arbres est incroyable.
Effectivement ce sont des nids des Cassiques. De très beaux oiseaux noirs et jaunes.
Belle fin de week-end.
Céline.

Brigitte R

Céline, tes photos de cette forêt primaire, mais surtout forêt-mère, les émotions que tu fais passer et qui me font vibrer à mon tour, cela m’invite, me presse à un nouveau vagabondage, une nouvelle immersion (virtuelle, mais c’est mieux que rien) de moi toute petite au pied de cette végétation luxuriante. Et l’émotion est différente, mais aussi intense.
De façon tout à fait personnelle, les photos qui me touchent le plus sont :

  • celle du haut de page, parce qu’elle m’invite, m’aspire et que ça y est, la magie végétale opère de tous ses charmes ;
  • dans la grande série, la deuxième, l’arbre-serpent qui ondoie jusqu’à la lumière ;
  • la 5, j’en ai déjà parlé ;
  • la 6, pour la lumière qui éclabousse ;
  • la 7, élévation ;
  • la 9 , quelle élégance !
  • la 10, pour l’oiseau qui la ponctue, la puissance du tronc de droite, et sa texture sur laquelle j’ai envie de promener mes doigts ;
  • la 11, à la frontière de deux mondes grâce au superbe reflet, et à la présence de l’homme à l’avant du bateau qui me fait entrer dans la photo ;
  • la 12, pour sa douceur et sa paix ;
  • la 22, pour le contraste entre la dureté et l’âpreté minérale d’une part, et la fillette qui dit qu’ici des hommes vivent …

… et tout cela dit l’importance de la préservation ; importance dont tout humain sensé et sensible devrait avoir conscience.
Toute cette série me touche et les photo sont belles, aucune n’est à rejeter ; j’ai simplement parlé de celles qui » me font tomber », pour reprendre l’expression de Pascal Chambon.

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