Steppes by steppes: premiers pas en terre mongole

Avez-vous déjà observé ces voyageurs qui, en file indienne ou en chenille, avancent lentement vers le guichet d’immigration ? Tenant leur passeport à hauteur de la poitrine comme un livre de messe, la tête et le dos bien droits, ils transpirent une sorte d’inquiétude. Au moment de passer la ligne jaune, leur regard fuit vers l’horizon. L’officiel en uniforme assis en contre-bas dans son box impressionne. Ce malaise, totalement injustifié, est en même temps teinté d’espoir de pouvoir quitter cette zone de transit, celle où l’on est ni tout à fait parti et ni tout à fait arrivé.

Le tampon qui vient s’écraser sur une page vierge de mon passeport est comme un coup de marteau qui prononce définitivement la sentence et m’annonce que je suis autorisée à entrer sur le territoire. L’encre diffuse sur le papier, tout comme je vais me diffuser sur cette nouvelle terre pendant quelques semaines. Je me dirige vers la sortie de l’aéroport et reçois avec violence la luminosité éblouissante du soleil au zénith, celle qui brûle déjà les steppes environnantes.

Bienvenue en Mongolie !

Est-ce bien raisonnable de m’aventurer à dérouler quelques lignes à propos de cette terre qui m’est encore si étrangère le jour de mon arrivée ? Celle de qui j’ai tout à apprendre, tel l’enfant qui fait ses premiers pas dans un monde inconnu ? Cette terre tantôt joyeuse et luxuriante, tantôt aride et funèbre mais habitée par un peuple chaleureux qui me guidera vers un retour à une vie simple, une vie néanmoins teintée d’une rudesse déconcertante pendant plus de la moitié de l’année?

Je ne vous dévoilerai pas tout cette fois-ci, mais je ne peux résister à l’envie de partager quelques fragments de sensations et de découvertes, accompagnés d’images. Ce premier voyage en Mongolie présage de belles perspectives dont je vous ferai part cet automne. Réjouissez-vous d’ores et déjà de l’évènement que je garde encore au chaud, afin qu’il soit suffisamment mature lorsqu’il verra le jour.

Dès que l’on quitte Oulan Bator, la capitale dont l’architecture contrastée mêle modernité et tradition, la steppe se déroule avec douceur vers l’horizon et s’étire à perte de vue.

L’ondulation des collines est rythmée par le passage éphémère des nuages, qui, tels des blancs en neige, flottent sur une crème de verdure et révèlent par intermittence ombre et lumière.

Je pars pour trois semaines de piste et l’odeur camphrée de l’herbe m’accompagnera tout au long du séjour. La Mongolie compte 48 000km de pistes (pour beaucoup reconnues par le GPS), contre 1 500km seulement de routes asphaltées !

Le paysage et les images défilent devant moi tels une bobine de film avant que je n’arrive au premier camp de nomades, dans la région de Karakorum. Très vite, j’aperçois des centaines de troupeaux, libres de s’éloigner des yourtes pendant la journée. Les moutons paraissent si petits sur ces espaces immenses que l’on croirait des haricots blancs et noirs semés à la volée. Plus loin, ce sont des amas de yaks, qui, d’un pas lourd et nonchalant, cherchent un coin d’herbe un peu plus vert. Lorsque je lève les yeux j’aperçois divers rapaces qui tournoient dans le ciel. Scrutant le sol, ils sont en quête de leur prochaine proie. Les rongeurs les fuient en regagnant avec empressement leurs terriers, tout comme ils nous fuient lorsque notre véhicule avance sur la piste.

La Mongolie est un pays où il faut se rendre pour en comprendre l’immensité.

Tel un grain de sable du Gobi, on perd rapidement la notion de distance et de temps. Le touriste est d’ailleurs connu pour ses questions de néophytes : « quand, combien, où ?», ce qui fait sourire les Mongoles. Ils vivent au rythme des saisons, du soleil, de leurs troupeaux, de l’état des routes … un rythme proche de celui de la nature. En pénétrant aux portes du désert de Gobi je me surprends à ressentir une sorte d’angoisse, de peur du vide, de l’immensité, du néant. Seules quelques carcasses d’animaux éparses témoignent qu’une vie a existé sur cette terre.

Mais il n’y a pas que la nature qui m’aura séduite. La traversée des rares villes et villages aux toits colorés qui ressemblent à des légos est aussi extrêmement intéressante pour découvrir la vie locale. Et quelle ambiance lorsque le vent s’engouffre dans les venelles ! Comme à grands coups de balais, il soulève toute la poussière du sol et oblige les passants à baisser la tête et à s’incliner davantage pour se protéger et avancer.

Chaque jour qui passe est une invitation à pénétrer davantage dans cette culture mongole.

Les nomades m’accueillent avec authenticité et conservent leur cérémonial habituel lorsqu’un hôte passe le pas de la yourte : on me sert un bol de lait de yak, de lait de jument fermenté ou d’alcool de lait, puis quelques gâteaux. Si un homme est présent, il sort délicatement sa tabatière de son deel, sa longue robe cousue d’une pièce qui s’ouvre sur le côté gauche. Alors, j’accepte le flacon en pierre taillée de la main droite et je n’oublie pas de placer ma main gauche sous le coude droit. Je dépose un peu de cette fine poudre contenue dans la tabatière entre le pouce et l’index, fais passer la fiole à mon voisin et respire ensuite l’odeur délicate de cet encens. Je vous décrirai la vie nomade plus longuement dans un article dédié d’ici quelques mois, mais je ne peux cesser de revivre ces scènes et de revoir ces gestes.

Si vous souhaitez pénétrer davantage au cœur de la vie mongole, qu’elle soit culturelle, politique, historique, économique et ethnologique, je vous recommande vivement le livre de Marc Alaux « Sous les yourtes de Mongolie » (éditions Transboréales). Il offre un récit riche et poignant sur la vie nomade qu’il a côtoyée lors des 6 000km qu’il aura parcourus à pied.

Je vous souhaite à tous un très bel été.

Céline

 

 

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