Vie de pêcheurs à Oman

Bonjour à tous,

On entreprend un voyage au Sultanat d’Oman surtout pour ses plages où viennent pondre les tortues, pour les souks de Mascate, pour les Wadis, les montagnes ou pour s’aventurer en 4×4 dans les déserts de sable. Vous avez pu apprécier la belle diversité de ce pays dans mon dernier article et je vous promettais la suite du voyage, qui elle sera très différente cette fois-ci, puisque je vous emmène à la rencontre de pêcheurs.

La longue route qui longe la côte du nord au sud sur plusieurs centaines de kilomètres peut s’avérer très lassante. D’un coté des dunes de sable blanc à perte de vue, de l’autre, la mer, tout aussi interminable. Quelques rares villages viennent rompre cette solitude accablante.

En bord de mer j’aperçois soudain au loin une concentration de mouettes en train de tournoyer dans le ciel. Que se passe-t-il et que peuvent-elles bien chercher ?

Curieuse, je demande à mon compagnon de bifurquer. Une route de sable nous mène sur une plage que je découvre avec consternation. Je crois d’abord à un dépotoir jusqu’à ce que je distingue des camions frigorifiques, des bateaux et des hommes encerclés par ces milliers de mouettes. C’est un lieu de pêche qui s’étend sur des centaines de mètres au milieu de nulle part. La scène est poignante.

Je descends de voiture. Mes pieds s’enfoncent dans le sable brûlant jonché de détritus. Après un tour d’horizon, je me dirige précautionneusement vers une plateforme en béton qui semble servir de quai de déchargement. Avec surprise, je découvre la pêche du jour. Raies et diverses familles de poissons côtoient crabes et autres crustacés. Un homme qui semble être le patron, en supervise le tri avant que ces produits de la mer ne rejoignent des caisses tapissées de glace pilée. Les hommes m’expliquent que la majorité de ces poissons partent pour Dubaï.

Plus loin, j’aperçois les pêcheurs. A l’heure où j’arrive, ils ont fini leur journée. Certains sont en train de réparer des filets, d’autres sont affalés sur le sable ou plutôt, sur un tapis de matières plastiques en tout genre, à l’ombre de quelques petites cahuttes rafistolées.

Ces hommes viennent tous du Bangladesh. Ils ont quitté leur pays il y de nombreuses années, pour certains depuis plus de 10 ans, en quête d’un emploi bien rémunéré. Un salaire qui leur permet dorénavant de retourner chez eux tous les deux ans pour retrouver leur famille l’espace de quelques jours. Le reste du temps ils travaillent 6 jours sur 7 dans des conditions difficiles, dans des lieux inhospitaliers. Leurs jours de repos, ils errent sur « leur plage ».

A l’heure où je vous écris ces lignes, les hommes que vous pouvez apercevoir sur les photos sont en train de pêcher, ou se reposent dans leurs cabanes qui ne sont qu’un amoncellement de planches de bois, de filets multicolores et de tôles rouillées.

Au mois de mars lorsque je les ai rencontrés il faisait déjà 35 degrés. En ce mois de juin, les températures peuvent facilement approcher les 50 degrés. Leurs seules protections contre les rayons brûlants du soleil seront des bonnets ou des cagoules en laine, des foulards et des vêtements longs.

Cette rencontre me bouleverse et nous décidons alors de dresser notre campement à quelques centaines de mètres des cabanes. Je désire être sur place le matin de bonne heure dans l’espoir de pouvoir assister au retour de pêche. Alors que nous sommes en train de préparer notre souper sur notre réchaud, trois hommes se promenant sur la plage et viennent à notre rencontre, un oiseau blessé dans la main. Je leur demande s’ils allaient le manger, ils me sourient et me font non de la tête ; ou peut-être était-ce un oui à l’indienne ? Nous sentons leurs regards curieux, ils sont surpris par notre présence. Je ne pense pas que beaucoup de touristes viennent s’aventurer sur cette plage inondée d’immondices nauséabondes et encore moins à y dresser leur campement. Nous leur proposons de se joindre à nous pour le souper, mais ils préfèrent refuser poliment, sûrement par timidité, et repartent, d’un pas nonchalant, en direction de leurs abris.

Ce soir-là, à la tombée de la nuit, j’observe la faible lueur qui émane des cabanes. Le silence nocturne est troublé par le ronflement des générateurs. Les cris des chiens, eux, ne cesseront pas avant l’extinction des lumières.

Le deuxième jour, un des patrons omanais me propose d’aller sur son boutre, amarré un peu plus loin en mer. Ces anciens bateaux de pêche traditionnels en bois sont utilisés depuis des millénaires par les navigateurs arabes. Pour le rejoindre, nous embarquons sur une petite barque à moteur et prenons le large grâce à un pick-up 4×4 qui nous pousse à l’eau. Arrivés à bord, nous sommes invités à nous asseoir à l’arrière du bateau et a siroté un thé sucré. L’équipage, toujours des Bangladais, est bien occupé. Alors que certains sont en train de charger des sacs de glaces, d’autres font cuire du riz et du dal à même le sol.

Malgré la fraternité et la camaraderie qui règne entre tous ces hommes, la hiérarchie est claire : les patrons sont des omanais, leurs dishdashas d’un blanc immaculé contrastent violemment avec les couleurs criardes des vêtements des pêcheurs, les Bangladais.

Je reviens plusieurs jours sur les lieux pour revoir ces pêcheurs et échanger avec eux. Ils me questionnent sur les conditions de vie en France, en Suisse, en Europe. Je n’arrive pas à me résoudre à poursuivre ma route.  Je leur apporte un peu de fraicheur et de verdure en leur montrant des photographies des montagnes suisses d’un calendrier édité par Sam et le leur offre avant les quitter.

Le destin incertain et le dur chemin de vie de ces hommes me tourmentent, me questionnent. Je me sens impuissante et je pense souvent à eux.

A bientôt,

Céline

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Charles

Bravo ,Céline, et merci pour ce reportage.
Comme d’habitude, tes photos sont belles et remplies d’humanité.
J’adore voir le monde à travers tes yeux.
Bise

Christine

oser suivre son instinct et sortir des chemins balisés… Quelle experience forte cela a du être et quelle rude vie que celle de ces pêcheurs! Tes cadrages nous placent au coeur du sujet, on s’y croirait. Tres belles images comme d’habitude, pleines d’humanité. Merci 🙂

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